Les années 2020-2021, marquées par le confinement draconien en Chine, ont été une période de tension intense, et les contrôles de plus en plus stricts me faisaient craindre que la tragédie d'il y a un demi-siècle ne se répète. Je voulais trouver un moyen d'enregistrer l'atmosphère de ces deux années. Incapable de filmer, incapable de parler, j'ai réalisé cet essai. J'ai découvert que l'action de zoomer, de déplacer et de superposer les images, lorsque je les regardais sur l'écran de l’ordinateur, me donnait l'impression de faire un montage. Ce qui retient mon attention dans ce travail, ce n’est pas le langage numérique en lui-même, mais l'utilisation de l'écran comme manifestation du processus de montage et de son résultat. Je montre ainsi directement ce que j'associe à une photo ou à un mot-clé, et le spectateur peut voir ce sur quoi je met l’accent à travers déplacements et zooms. Il y a un sentiment de partage direct. Le texte que je lis en voix off est tiré du roman de Gao Xingjian Le Livre d'un homme seul, qui traite de la fuite : il s’agit pour l’auteur d’échapper à l’histoire, à une langue, à un environnement, à une culture. Mais en décrivant sa fuite, l’auteur reste paradoxalement prisonnier de cette histoire à laquelle il tente d’échapper. L'atmosphère que j'ai ressentie en lisant le livre était semblable à celle que je vivais pendant le confinement, et que je ne parvenais pas à exprimer. J'ai donc choisi dans ce roman quelques phrases qui ne décrivent pas l'événement historique lui-même, mais l’atmosphère qui s’en dégage.